Pour placer la fille de Stanislas Leczinska sur le premier trône de l’Europe, il fallut que la politique abjurât un moment tous ses calculs ordinaires. Née le 23 juin 1703, Marie était encore au berceau lorsque le malheur assaillit son père. Dans la précipitation et le trouble d’une fuite, que la proscription rendait indispensable, la future reine de France fut oubliée dans l’auge d’une écurie.
Après avoir cherché vainement un asile dans divers pays, Stanislas s’était enfin fixé en France, près de Weissembourg. Ce fut là que vivant avec sa famille, et ne se croyant plus qu’un simple particulier, il reçut la demande de la main de sa fille, au nom du jeune roi Louis XV. Le mariage fut célébré à Fontainebleau le 5 septembre 1725.
Le bonheur qui présida aux premières années de cette union, finit pour la vertueuse Marie, avec l’attachement de son époux, dont elle avait eu deux princes et huit princesses. La résignation, la piété, la tendresse pour ses enfants l’aidèrent à supporter un changement, que ne couvrait pas même le voile de la décence. Sans posséder aucune des qualités qui excitent l’enthousiasme, Marie Leczinska possédait plusieurs de celles qui font aimer et respecter. Elle se plaisait à protéger les hommes de lettres.
Les Mémoires de madame Campan racontent que, dans les dernières années de sa vie, cette princesse s’occupait de peinture, mais seulement en princesse. Un artiste, qu’elle avait pris pour maître, et qui passait toutes les journées dans son cabinet, était chargé de dessiner le paysage, le fond des tableaux et les personnages. Le reine ne s’était réservé que les draperies et les petits accessoires.
Tous les matins, pendant une heure, elle venait placer sur le trait indiqué un peu de couleur bleue, rouge ou verte, que le maître préparait, et dont il garnissait à chaque fois le pinceau, en répétant sans cesse : « Plus haut, plus bas, madame ; à droite, à gauche. » Lorsque la reine était partie, l’artiste mettait les ombres aux vêtements peints par elle, et enlevait les couches où elle avait mis trop de couleur. Aussi la comtesse de Noailles, à qui elle légua son cabinet, appelait ses tableaux les innocents mensonges de cette bonne princesse. Marie Leczinska mourut à l’âge de soixante-cinq ans et un jour.
Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.