Henri IV, après son divorce avec Marguerite, sœur de Charles IX, avait épousé, en 1600, Marie de Médicis, fille du grand-duc de Toscane. Il fut encore plus malheureux avec sa seconde femme qu’avec la première. Tous les historiens nous représentent Marie de Médicis comme une femme capricieuse, hautaine, soupçonneuse, querelleuse, contraire à tous les vœux du roi, contraire même à ses vues politiques, et osant les traverser par des intrigues secrètes, par des intelligences coupables avec des ennemis de l’Etat ; perdant le droit qu’elle avait de se plaindre des infidélités de son mari, par le peu de tendresse qu’elle lui montrait, par le peu de soin qu’elle prenait de lui plaire, par le peu de douceur qu’elle répandait sur sa vie.
Tous ces torts cependant sont de son humeur et non pas de son cœur ; trop amie de l’intrigue, elle était du moins incapable de crime ; elle n’avait surtout ni assez de méchanceté, ni peut-être assez de vigueur pour l’énorme attentat dont elle a été soupçonnée ; son obstination à rechercher l’alliance de l’Espagne, contre les intentions du roi son mari, arrache, il est vrai, à l’auteur de sa vie, cette réflexion terrible, « qu’il semble qu’il n’y avait que la certitude de la mort du roi, qui pût faire suivre avec tant de confiance et d’opiniâtreté, une négociation si contraire aux projets de ce monarque » ; et le président Hénault avait déjà dit, « qu’elle n’avait pas été assez surprise ni assez affligée de la mort de ce prince. » Mais les auteurs contemporains ont entièrement justifié cette princesse.
Par la mort de Henri IV, Marie devint régente et souveraine sous le nom de son fils ; voilà en apparence son ambition satisfaite : c’est là, au contraire, où commencent ses malheurs les plus réels. Jalouse de l’autorité comme elle en avait été avide, l’idée que cette autorité pût être ou bravée, ou attaquée, ou menacée, ne lui laissait aucun repos, et tous les moyens qu’elle prenait pour affermir cette autorité toujours chancelante, ne faisaient que l’affaiblir ou la détruire. Au lieu de gouverner, Marie traitait sans cesse avec ses sujets, et toujours avec désavantage. Toute son administration ne fut qu’une négociation perpétuelle et maladroite ; sa politique était de payer bien cher les services qu’on lui devait et qu’elle avait droit d’exiger ; elle partageait les trésors de l’Etat entre ses favoris et les mécontents ; les sommes considérables qu’avait amassé l’économie de Henri IV, furent promptement dissipées. Il fallut accabler le peuple d’impôts pour fournir aux besoins toujours renaissants d’une pareille administration.
Un autre défaut non moins essentiel de l’administration de Marie, c’est cette affectation indécente de contrarier en tout le gouvernement de Henri IV, de destituer ses ministres, de prodiguer la confiance, les honneurs, les emplois, les richesses aux ennemis déclarés de ce grand prince, de changer même au dehors, d’amis et d’ennemis. Cette conduite imprudente avait plusieurs mauvais effets : d’un côté elle annonçait un mépris choquant pour la mémoire d’un roi plein de gloire, et non moins illustre par la politique que par les armes ; de l’autre elle faisait naître ou confirmait le soupçon injuste dont nous avons parlé. Elle fournissait d’ailleurs des motifs aux plaintes du peuple et à la révolte des grands. Si cette reine et ses amis n’eussent jamais été soupçonnés de la mort de Henri IV, jamais, peut-être, on n’eût osé ni pu soulever son fils contre elle, ni assassiner le maréchal d’Ancre, au nom du roi, et la maréchale au nom des lois.
Depuis la chute du maréchal d’Ancre, la vie de Marie de Médicis ne fut plus qu’une alternative continuelle de ruptures et de réconciliations avec son fils, par qui elle fut enfin sacrifiée au cardinal de Richelieu, qui la chassa de la cour, et ensuite du royaume. Errante de contrée en contrée, dépouillée de ses biens et de son douaire, privée de tout, cette reine, veuve et mère de rois de France, belle-mère du roi d’Espagne, du roi d’Angleterre, du duc de Savoie, alla mourir dans la misère à Cologne.
C’est à Marie de Médicis que Paris est redevable de ses premiers aqueducs, du palais du Luxembourg, et de la promenade appelée le Cours-la-Reine.
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