Quand on cite un trait récent d’humanité ou d’héroïsme, on croit avoir épuisé toutes les formules admiratives en disant qu’il est digne de l’antiquité. C’est une injustice envers les temps modernes, plus riches que les temps anciens en belles actions, mais plus pauvres en éloquents panégyristes. Quelques années s’étaient écoulées depuis que le désastre de la houillère Beaujon (1812) vînt tout à coup exciter l’émotion de l’Europe entière, et déjà le nom du brave Goffin était presque oublié ; déjà, même dans sa patrie, il ne réveillait que de confus souvenirs.
Cependant le courage de cet homme, que l’amour de la gloire ne pouvait guider, qui n’agissait que pat un instinct sublime, lutta durant cinq jours et autant de nuits contre le désespoir, les reproches, les menaces de malheureux privés d’air, de jour et d’aliments, enfouis dans les entrailles de la terre à cent soixante-dix mètres de profondeur. La fermeté de son âme ne se démentit pas un seul instant : ses mains ensanglantées ne quittèrent pas le pic, malgré la fatigue d’un travail qui redoublait ses souffrances. Son fils, jeune enfant de douze ans, imita constamment ce grand exemple.
Sur cent vingt-sept ouvriers employés dans la houillère, trente-cinq étaient remontés au premier moment de l’inondation : vingt-deux se noyèrent, et soixante-dix furent rendus à la vie : ils la devaient à Hubert Goffin et à son fils. La poésie, le théâtre, célébrèrent alors ce noble dévouement : Hubert Goffin reçut du gouvernement impérial la décoration de la Légion d’honneur et une pension. En 1814, le roi des Pays-Bas l’honora de l’ordre du Lion-Belgique. De tous les mineurs échappés à la mort dans les premiers jours de mars 1812, Hubert Goffin termina sa vie le premier. Frappé à la tête d’un éclat de pierre lancé par une détonation qui eut lieu dans la houillère, dont il dirigeait les travaux, il expira peu de temps après, laissant une nombreuse famille.
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