Métastase succéda à Apostolo Zeno dans les fonctions de poète Cesareo. L’empereur Charles VI aimait beaucoup le grand opéra italien , et avait toujours à sa cour un poêle chargé d’en composer un certain nombre chaque année. Cette place était utile et honorable. Métastase fit oublier Apostolo Zeno, et n’eut point de successeurs dignes de lui. Il raconte, dans une de ses lettres, la manière dont il fut présenté à l’empereur :
« Ayant reçu l’ordre de ma présentation, je fus admis à trois heures après midi dans la salle d’audience. Le seigneur qui me conduisait me laissa à la porte. Je vis l’empereur qui était debout, appuyé sur une petite, table, le chapeau sur la tête, avec l’air grave et sérieux. Je vous avoue que, quoique je me fusse préparé à cette cérémonie, je ne pus m’empêcher d’éprouver quelque trouble. Je pensai que je me trouvais en présence du premier personnage de la terre, et que c’était à moi à porter la parole : cette réflexion ne servait pas à m’encourager. Je fis les trois révérences prescrites ; l’une à la porte, l’autre au milieu de la chambre, et la dernière près de sa majesté ; ensuite, je mis un genou en terre ; mais ce bon maître m’ordonna de me relever, et me le répéta plusieurs fois.
« Alors je pris la parole, et je dis d’une voix altérée : Je ne sais si je dois être plus confus que satisfait en me trouvant aux pieds de votre majesté impériale ; c’est un honneur que j’ai désiré avec ardeur dès mes premières années ; et dans ce moment, non seulement j’en jouis, mais j’y joins celui d’être à votre service. Je ne me dissimule pas les obligations que m’impose ma place ; je connais l’insuffisance de mes talents, et je ne balancerais pas à donner la meilleure partie de mon sang pour devenir un Homère. Je suppléerai, autant qu’il me sera possible, à mon incapacité, en n’épargnant ni soin, ni travail, dans l’accomplissement de mes devoirs. Je sais que, quelle que soit ma faiblesse, elle sera toujours moins grande que la clémence de votre majesté ; et j’espère que le titre de poète Cesareo me donnera cette supériorité que je n’attends pas de moi-même.
« A mesure que je parfois je vis s’éclaircir le front de l’Empereur. Voici ce qu’il daigna me répondre : — Je connaissais vos talents ; maintenant je sais que vos mœurs y répondent :. je ne doute pas que vous me contenterez dans tout ce qui concerne mon service, et que j’aurai lieu de me féliciter de mon choix. Il s’arrêta pour attendre si j’avais quelque chose à lui demander : d’après mes instructions, je sollicitai l’honneur de lui baiser la main ; il me la présenta en riant, et serra la mienne. Encouragé par cette faveur, je la pressai avec transport, et l’expression de ma reconnaissance fut si vive, que l’empereur vit bien qu’elle partait du cœur. »
Métastase, comme on le sait, justifia le choix de l’empereur Charles VI, dont il fut aimé et considéré. Ce fut à Vienne qu’il composa presque tous ses chefs-d’œuvre.
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