LA FRANCE PITTORESQUE
28 juillet 1794 : supplice de Robespierre
et d’une partie de ses complices
(D’après « Éphémérides universelles, ou Tableau religieux, politique,
littéraire, scientifique et anecdotique, etc. » (Tome 7), édition de 1812)
Publié le samedi 27 juillet 2024, par Redaction
Imprimer cet article
Robespierre, après avoir reçu le coup de pistolet qui lui fracassa le visage, était tombé baigné dans son sang ; on le releva, et on le plaça sur un fauteuil de cuir rouge. Sa mâchoire inférieure étant détachée, on passa, pour la rapprocher de l’autre, une bande sous son menton, qu’on noua sur sa tête.
 

Ce fut dans cet état qu’on le conduisit sur les six heures et demie du matin, au Comité de sûreté générale, où on l’étendit sur une table. Le visage pâle, la tête ouverte, rendant le sang par les yeux, les narines et la bouche, il reçut, pendant plusieurs heures, les injures et les reproches de ceux qui l’environnaient ; il parut souffrir avec patience ces outrages ; il ne lui échappa aucune plainte, et il ne répondit à aucune des questions que lui firent ses collègues.

Il fut ensuite conduit au Tribunal révolutionnaire, pour y constater l’identité de sa personne, avec une partie de ses complices, Couthon, Saint-Just, Robespierre jeune, Dumas, président du Tribunal révolutionnaire ; Vivier, président des Jacobins ; Henriot, commandant de la garde nationale ; son adjudant la Valette ; Fleuriot-Lescot, maire de Paris ; Payan agent de la commune ; Gobeau, accusateur public auprès du tribunal criminel du département, et onze membres du conseil général de la commune de Paris, lequel avait été mis tout entier hors la loi. Ce fut un effet remarquable des vicissitudes révolutionnaires, de voir tous ces hommes envoyés à l’échafaud, par un tribunal composé de leurs amis.

Robespierre blessé attendant son exécution. Chromolithographie de la fin du XIXe siècle

Robespierre blessé attendant son exécution. Chromolithographie de la fin du XIXe siècle

A quatre heures, le 10 thermidor, le cortège sinistre sortit de la cour du palais ; jamais on n’avait vu une telle affluence ; tous les regards se fixaient principalement sur la charrette qui portait les deux Robespierre, Couthon et Henriot ; celui-ci avait la tête et les épaules fracassées ; Coffinhal, son complice, vice-président du Tribunal révolutionnaire, l’avait jeté par une fenêtre de l’Hôtel de Ville, en l’accusant de les avoir tous perdus par sa lâcheté. Ce Coffinhal, qui était aussi compris dans la mise hors la loi, était parvenu à se sauver ; mais il fut arrêté deux jours après. Le corps du député Lebas, qui s’était tué d’un coup de pistolet, était étendu sur la charrette.

On remarqua que Robespierre avait le même habit qu’il portait le jour de la fête de l’Etre-Suprême ; ses traits étaient horriblement défigurés. Soit qu’il fut accablé par les douleurs de la blessure, ou que son âme fût déchirée par les remords, il avait les yeux entièrement fermés.

Arrivé au milieu de la rue Royale, il fut tiré de cette espèce de sommeil par une femme qui l’attendait dans cet endroit ; elle était proprement habillée, et d’un âge moyen. En apercevant la charrette qui portait Robespierre, elle fendit la presse, et saisissant avec une de ses mains le barreau de la charrette, tandis que de l’autre elle menaçait Robespierre : « Monstre, lui criait-elle, monstre vomi par les enfers, ton supplice m’enivre de joie ! » A ces mots, Robespierre entrouvrit les yeux, et leva les épaules.

Estampe du temps portant la légende : Exécution de Robespierre et de ses complices conspirateurs contre la liberté et l'égalité. Vive la Convention nationale qui par son énergie et surveillance a délivré la République de ses tyrans

Estampe du temps portant la légende : Exécution de Robespierre et de ses complices
conspirateurs contre la liberté et l’égalité. Vive la Convention nationale qui
par son énergie et surveillance a délivré la République de ses tyrans

« Monstre abominable, continua cette femme, je n’ai qu’un regret, c’est que tu n’aies pas mille vies, pour jouir du plaisir de te les voir toutes arracher l’une après l’autre ! » Celte nouvelle apostrophe parut importuner Robespierre ; mais il ne rouvrit pas les paupières. Alors cette femme lui dit en le quittant près de l’échafaud : « Vas, scélérat, descends au tombeau avec l’exécration et les malédictions éternelles de toutes les épouses, de toutes les mères de famille ! » On a présumé que Robespierre avait privé cette femme d’un époux ou d’un fils.

Avant de recevoir la mort, il eut une souffrance cruelle à endurer. Après avoir jeté son habit, qui était croisé sur ses épaules, le bourreau lui arracha brusquement l’appareil que le chirurgien avait mis sur sa blessure ; la mâchoire inférieure s’étant alors détachée de la mâchoire supérieure, la tête de ce misérable n’offrit plus qu’un objet monstrueux ; et après le coup fatal, ce fut le spectacle le plus horrible qu’on puisse peindre, quand le bourreau montra cette tête à tout le peuple.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE