LA FRANCE PITTORESQUE
18 août 1737 : le Louvre accueille
la première exposition régulière
de tableaux et sculptures en France
(D’après « Histoire physique, civile et morale de Paris depuis
les premiers temps historiques jusqu’à nos jours », paru en 1829)
Publié le samedi 18 août 2018, par Redaction
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Les arts d’imitation tombaient dans la barbarie ; les membres de l’Académie de peinture et de sculpture le sentirent ; et, pour les arrêter dans leur chute, ils imaginèrent d’exciter l’émulation parmi les artistes, en faisant exposer leurs ouvrages, et en les soumettant au jugement du public
 

Déjà on était autorisé par l’exemple de quelques expositions faites sous Louis XIV : l’une, en 1673, dans une des cours du Palais-Royal ; l’autre, en 1704, dans la grande galerie du Louvre. La première des expositions régulières qui eurent lieu dans le salon du Louvre, par ordre du roi et du sieur Orry, contrôleur général et directeur général des bâtiments, ne fut pas de longue durée : elle commença donc le 18 août 1737, et finit le 1er septembre suivant.

Un coin du Salon du Louvre en 1880, par Edouard Joseph Dantan

Un coin du Salon du Louvre en 1880, par Edouard Joseph Dantan

On voit dans le livret qui parut en cette année, sous le titre d’Explication des peintures et sculptures, que les ouvrages furent peu nombreux ; on n’y compte que deux cent vingt articles. Les seuls membres de l’Académie avaient droit d’y exposer. D’abord, l’exposition fut annuelle ; mais, étant peu considérable, on arrêta, en 1745, qu’elle n’aurait lieu que tous les deux ans. Cet ordre de choses se maintint jusqu’au temps de la Révolution.

Les premières expositions furent pauvres de talents. On n’y voyait qu’un petit nombre d’ouvrages et de noms dignes de passer honorablement à la postérité. Les arts ont besoin d’encouragement ; et, sous le règne de Louis XV, ce n’était point au mérite, mais à l’intrigue, qu’on accordait des récompenses. La corruption des mœurs amena celle du goût. Entraînés dans une fausse route, déplore Dulaure, les artistes présomptueux dédaignèrent d’imiter la nature, d’imiter les beaux modèles de l’antiquité, pour s’attacher à un genre factice, bizarre, maniéré et misérable ; et la mode asservit le pinceau du peintre comme le ciseau du statuaire. Les héros de la fable ou de l’histoire étaient représentés, non comme ils devaient l’être, d’après leur caractère, mais comme les acteurs les représentaient sur le théâtre.

Dans les sujets frivoles, fort nombreux alors, le mauvais goût était encore plus remarquable. Les artistes couraient après les grâces, et n’en saisissaient que l’ombre déformée : elles s’éloignaient d’eux, parce qu’ils s’éloignaient de la nature. L’architecture se ressentit beaucoup de cette dégradation générale : elle commençait à dégénérer sur la fin du règne de Louis XIV ; secondée dans sa chute par l’architecte Openord et quelques autres, elle perdit ses formes nobles et simples pour se charger d’ornements sans motifs, de formes bizarres, contournées, et de ce qu’on nommait alors des rocailles.

Tel était l’état des beaux-arts sous le règne de Louis XV, lorsqu’on établit l’exposition des ouvrages de peinture et de sculpture à Paris, en 1737. Cet établissement, en stimulant les talents, aurait pu opérer une régénération désirée, si les ouvrages offerts aux regards des artistes et du public eussent eux-mêmes été des modèles de goût et de pureté. Cette condition n’existait pas : le-mauvais goût domina encore. Il fallut attendre que des artistes favorisés par la nature, inspirés par les chefs-d’œuvre d’Italie, vinssent produire dans les arts une révolution nécessaire. Vien et son élève David contribuèrent puissamment à régénérer la peinture, Julien l’art du statuaire, et Soufflot l’architecture. Cet heureux changement ne se fit sentir que sous le règne de Louis XVI.

Le salon du Louvre était, dans l’origine de l’exposition des tableaux, éclairé par des fenêtres qui occupaient une place considérable, et donnaient aux tableaux une lumière qui nuisait à leur effet. Dans la suite, ces fenêtres furent murées, et le jour descendit dans ce salon par le comble auquel des vitraux furent adaptés.

L’exposition ne durait que douze jours dans les premières années de son établissement ; ensuite sa durée fut portée à quinze jours, puis à un mois. En 1768, l’exposition dura cinq semaines ; sa durée se prolongea par la suite jusqu’à deux mois. Le rythme annuel fut remis à l’ordre du jour en 1796.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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