Contemporain et condisciple de Descartes, Mersenne terminait sa carrière scolastique en même temps que l’illustre auteur de la Méthode commençait la sienne : le collège de La Flèche vit se former entre .eux une amitié qui ne finit qu’avec leur vie.
Né le 8 septembre 1588, au bourg d’Oizé, dans le Maine-et-Loire, Mersenne entra dans l’ordre des Minimes en 1611. Après avoir fait son noviciat à Meaux, il revint à Paris suivre des cours de théologie et de langue hébraïque. De là ses chefs l’envoyèrent à Nevers enseigner la philosophie dans un couvent, dont bientôt il fut nommé supérieur. Revenu à Paris, il se signala par la défense de Descartes, alors réfugié en Hollande, où il alla même le visiter. Défendre son ami, servir de médiateur entre lui et les nombreux adversaires que lui suscitèrent son génie et la nouveauté de ses idées, telle fut la mission que Mersenne remplit constamment et avec un zèle infatigable.
En général le mérite de cet homme distingué consista moins dans les progrès que lui-même fit faire aux sciences, que dans les services qu’il rendit aux savants, en se constituant leur centre, leur point de contact. Un biographe a dit qu’il faisait dans la république des lettres les fonctions que fait le cœur dans le corps humain. C’était à lui qu’on envoyait les doutes qu’il se chargeait de proposer à ceux dont on en sollicitait la solution. Il entreprit plusieurs voyages en Italie ; et à son retour en France, en 1645, il fit connaître les belles découvertes de Toricelli sur le vide, découvertes vérifiées par Pascal, et qui’ sont devenues la base de la physique moderne.
Dans le nombre des ouvrages publiés par le père Mersenne, on remarque un commentaire latin des six premiers livres de la Genèse. L’auteur, qui s’était proposé de combattre l’athéisme, donne la liste des principaux athées de son temps, parmi lesquels il comprend beaucoup de déistes : il évalue à soixante mille le nombre de ceux que possédait la France, à cinquante mille ceux que contenait la seule ville de Paris, et dit que dans certaines maisons on pourrait en compter jusqu’à douze. Voilà de la statistique singulièrement appliquée ! Du reste l’auteur ne pouvait trop s’étonner que Dieu laissât vivre de tels gens.
L’un des ouvrages qui lui font le plus d’honneur, ce sont les douze livres qu’il composa sur l’harmonie, et que plusieurs musiciens modernes ont pillés sans scrupule. Il donna aussi plusieurs écrits très intéressants sur les mathématiques, la physique, les poids et mesures. Il poussait l’amour des mathématiques et la confiance en leur utilité au point d’inviter les orateurs sacrés à orner leurs discours de traits et de textes tirés des sections coniques.
Une erreur cruelle de la médecine et de la chirurgie abrégea les jours du père Mersenne. Attaqué au flanc droit d’un abcès, que l’on prit pour une fausse pleurésie, on commença par le saigner, et lorsque enfin on prit le parti d’en venir à une opération, on la fit à côté du mal, et le malade expira dans les douleurs.
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