L’origine de la famille de François d’Aubusson, vicomte et duc de la Feuillade, se perd dans les temps de Pépin et de Charlemagne, et, comme le marquis de Béranger, il aurait dit volontiers sa maison plus noble que celle du roi. L’épée seule convenait aux mains d’un descendant des princes du Saint-Empire : aussi était-il encore dans la fleur de la première jeunesse qu’il avait déjà reçu trois blessures à la bataille de Rhetel.
La guerre fut l’unique passion du duc de la Feuillade, qui semblait ne vivre à l’aise que sur un champ de bataille. Réduit à l’inaction par le traité des Pyrénées (1659), il alla en Hongrie combattre les Turcs, sous le vieux Montécuculli, et il se distingua à la belle journée du Saint-Gothard (1664). Dès que la France eut repris les armes, il reparut sous ses drapeaux ; mais la paix d’Aix-la-Chapelle (1668) l’ayant obligé de remettre l’épée dans le fourreau, il enrôla trois cents gentilshommes à sa solde, et les mena dans Candie secourir les Vénitiens que l’Europe abandonnait. Pendant trois mois la Feuillade et ses compagnons luttèrent contre l’armée du grand-vizir Kiuperly, et lorsqu’il revint en France il avait ravivé l’éclat du nom de d’Aubusson, que la défense de Rhodes avait rendu si beau et si fameux dans les mers du Levant.
La Feuillade ne pouvait pas vivre à une époque qui lui convînt mieux que le règne de Louis XIV ; de 1672 à 1681, il ne quitta point le champ de bataille. Toutes les dignités militaires, jusqu’au grade de maréchal de France, le gouvernement du Dauphiné, et le collier du Saint-Esprit récompensèrent de si longs et de si laborieux services. Louis XIV ne fut pas ingrat envers un soldat qui avait bien mérité de la France, et surtout envers un sujet, qui l’aimait comme une maîtresse et l’adorait comme une idole.
La Feuillade avait acheté le magnifique hôtel de Sennetère et l’avait fait abattre pour former la place des Victoires, au milieu de laquelle il fit ériger la statue de son dieu, qu’une révolution renversa, qu’une seconde révolution replaça sur son autel, et qu’une troisième révolution a épargnée. Le nom de la Feuillade, conservé à une des rues qui conduisent à la place, consacre le souvenir de cette flatterie pompeuse.
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