Lors de la fête celtique de Samhain, adoptée par les Gaulois et appelée plus tard Halloween, les morts recouvrent une liberté sans entrave
Le premier texte irlandais faisant mention précise d’un fantôme est un morceau intitulé « l’expédition de Néra » servant d’introduction à une épopée du Xe siècle, le Tain bo Cuailgne (enlèvement des vaches de Cuailgne), et qui se déroule précisément le soir de Samhain.
« Dans la nuit qui précède la Toussaint, le roi Ailill et la reine Medb proposèrent un prix au guerrier qui serait assez hardi pour aller nouer d’un lien d’osier les pieds d’un captif, pendu de la veille. Néra, seul, accepta de braver les ténèbres et l’horreur d’une semblable nuit, que les démons ont coutume de choisir pour se montrer. Lorsqu’il eut atteint l’endroit, ce fut le pendu qui lui indiqua lui-même comment fixer le lien d’osier ; après quoi, il lui demanda de le prendre sur son dos et de le mener boire.
« Néra le prit donc et le porta de seuil en seuil. Le mort ne voulait entrer que dans une maison où l’on n’aurait ni vidé les seaux ni couvert le feu. Quand il eut trouvé ce qu’il cherchait et qu’il eut fini de se désaltérer, il lança la dernière gorgée d’eau sur les hôtes de la maison, et, tout aussitôt, ceux-ci moururent. »
En Irlande, où la population celtique continue d’exister au Ier siècle de notre ère après la guerre des Gaules, la bean sidhe, cette mystérieuse annonciatrice du trépas, est indifféremment, selon les cas, une fée ou un fantôme, et les errantes des parents morts sont parfois assimilées à des nains qui courent les routes, la nuit, en faisant de la musique.
Comme les fées, les défunts sont censés habiter des résidences souterraines : comme les fées, on les rencontre par les chemins, à cheval sur de fantastiques montures qui galopent à toute vitesse. Le fer, qui protège contre les fées, est aussi un préservatif contre les revenants.
Les jours consacrées aux fêtes des sidhe dans la mythologie irlandaise sont Belténé (le 1er mai) et Samhain (le 1er novembre), dates où les morts redeviennent leurs maîtres. La nuit du Samhain, ils participent aux réjouissances des fées, boivent du vin dans les coupes des fées, dansent sous la lune aux accords des instruments féeriques. Un homme que les fées avaient enlevé pour assister à leur partie de balle trouve chez elles sa sœur qu’il avait perdue trois années auparavant et obtient qu’elle lui soit rendue, vivante. La croyance selon laquelle la mort n’est réelle que pour les gens âgés implique que lorsqu’on disparaît de cette vie en pleine jeunesse, c’est qu’on a été ravi par les fées.
On retrouve cette croyance en Écosse, autre lieu de refuge des Celtes. Dans un conte recueilli par Campbell, une vieille femme, causant avec les fantômes de ses anciens maîtres, apprend de leur bouche que les sidhe viennent de s’emparer d’un jeune homme pleuré comme mort. Enfin, là où les deux catégories d’êtres ne sont pas entièrement confondues, et où ne s’est pas implantée l’idée chrétienne que les fées sont des démons, ces dernières passent pour la descendance des Tûatha Dê Danann qui, dans ces traditions plus récentes, sont authentiquement conçus comme des ancêtres morts, et non plus comme un peuple surnaturel.
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