Jean-Jacques Lefranc, marquis de Pompignan, d’abord avocat-général, ensuite premier président de la cour des aides de Montauban, naquit en cette ville le 10 août 1709, d’une famille noble et bien alliée.
Jean-Jacques Lefranc de Pompignan |
|
Ses parents le destinèrent à la magistrature, et son goût l’entraînait vers la poésie. Dans sa tragédie de Didon, jouée en 1734, il parut un digne imitateur de Racine. On y trouve à la vérité des négligences et des vers prosaïques ; mais il y a aussi des morceaux écrits avec force et élégance. Elle est restée au théâtre.
Un exil passager lui ayant inspiré des dégoûts pour la magistrature, il vint s’établir à Paris, ou il fut d’abord accueilli comme un homme qui joignait la bonté du cœur à des talents distingués. Mais sa réception à l’Académie française, en 1760, fut l’époque d’un dénigrement presque universel. Il se vit obligé de se retirer dans sa terre de Pompignan, où il passa les plus beaux jours de sa vie. Il y mourut, emportant l’estime de ses concitoyens et le regret de ses vassaux, dont il était le protecteur et le père.
Sa comédie des Adieux de Mars, en un acte et en vers libres, fut représentée avec succès à la Comédie italienne, en 1706. Ses Cantiques sacrés, malgré l’épigramme de Voltaire, ne passeront jamais pour des productions sans mérite. Quoique sa traduction des Georgiques de Virgile soit venue malheureusement après celle de Delille, elle offre des morceaux où la difficulté est vaincue avec succès. Son Voyage de Languedoc n’égale point par la facilité, par la molle négligence du style, par l’enjouement, celui de Chapelle ; mais il lui est supérieur par l’élégance, la correction et la variété, et il y a de très beaux vers.
Quant à ses productions en prose, l’Eloge du duc de Bourgogne respire une simplicité touchante ; ses Dissertations, sa Lettre à Racine le fils, ses Discours académiques, décèlent un jugement sain, un goût solide, un esprit nourri de la lecture des anciens ; sa Traduction des tragédies d’Eschyle et de quelques dialogues de Lucien est généralement estimée pour l’élégance et la fidélité. Son érudition était aussi étendue que bien digérée ; et les beaux arts qui tiennent à la poésie, tels que la peinture et la musique, ne lui étaient pas étrangers.
Voltaire, son ennemi, en se plaignant de son zèle inflexible, rendait justice à sa vaste littérature, et même à quelques-uns de ses vers. Il admirait cette strophe de l’Ode sur la mort de Rousseau :
Le Nil a vu sur ses rivages De noirs habitants des déserts Insulter par leurs cris sauvages L’astre éclatant de l’univers. Cris impuissants ! fureurs bizarres ! Tandis que ces monstres barbares Poussaient d’insolentes clameurs, Le Dieu, poursuivant sa carrière, Versait des torrents de lumière Sur ces obscurs blasphémateurs. |
« Je n’ai guère vu de plus grande idée (dit de La Harpe) tendue par une plus grande image, ni des vers d’une harmonie plus imposante : je la récitai un jour à M. de Voltaire, qui y trouvait tous les genres de sublime réunis. Je lui en nommai l’auteur, et il l’admira encore davantage. » Il est juste d’ajouter que toute l’ode est fort belle et que la première strophe pouvait peut-être soutenir la comparaison avec celle qu’on vient de lire :
Quand le premier chantre du monde Expira sur les bords glacés Où l’Ebre effrayé, dans son onde, Roula ses membres dispersés ; Le Thrace errant sur les montagnes Remplit les bois et les campagnes Du cri perçant de ses douleurs, Les champs de l’air en retentirent ; Et dans les antres qui gémirent, Le lion répandit des pleurs. |
Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.