Se disait autrefois d’un individu qui se montrait vêtu d’un habit neuf après avoir porté pendant longtemps un habit vieux
Cette façon de parler était fondée sur ce que le bourreau, obligé de garder son costume distinctif tous les jours de l’année, avait la permission de le quitter à la solennité pascale, et se présentait à la sainte table avec un vêtement frais ou neuf qui n’indiquait en rien son métier odieux.
Le mot brave se prend ici, comme on voit, pour paré, bien mis. Cette acception, conservée par beaucoup d’excellents écrivains, entre autres Pascal, Molière, madame de Sévigné, Voltaire, et usitée encore aujourd’hui, a une origine peu connue et qui mérite de l’être. Elle est venue de ce que le prix décerné au vainqueur dans les jeux publics consistait ordinairement en un vêtement magnifique dont on le décorait après sa victoire.
Ce prix se nommait en grec brabeion, en latin brabeium, braveum, bravium, et en français, bravion, comme l’atteste la phrase proverbiale : Tous courent ensemble, mais un seul reçoit le bravion, laquelle est littéralement traduite du passage suivant de la première épître de saint Paul aux Corinthiens : Omnes currunt, sed nus accipit bravium. (Cap. IX, 24.)
Pascal semble avoir voulu indiquer une autre origine du mot brave (paré, bien mis) dans cette pensée : « Être brave n’est pas trop vain, car c’est montrer qu’un grand nombre de gens travaillent pour soi ; c’est montrer par ses cheveux qu’on a un valet de chambre, un parfumeur, etc. Or, ce n’est pas une simple superficie ni un simple harnais, d’avoir plusieurs bras (à son service) : plus on a de bras, plus on est fort ; être brave, c’est montrer sa force. » (Art. XXIII, pensée 13.)
Notons, pour les amateurs de rapprochements philologiques, que chez les Latins, le mot fortis (brave ou vaillant) et certains synonymes de ce mot se prenaient quelquefois dans le sens de beau. Plaute a dit dans ses Bacchides, v. 181, et dans son Miles gloriosus, v. 1099, en parlant d’une femme : Ecquid fortis visa est ? « T’a-t-elle paru belle ? » Et Virgile a dit d’Énée, en le comparant à Apollon : Haud illo segnior ibat. (AEneid., IV, 149.) « Il marchait non moins beau. »
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