Personne qui, se trouvant arrêtée par quelque considération méticuleuse, substitue des équivalents ridicules aux termes qu’elle n’ose articuler
On prétend que ces religieuses, lorsqu’elles rencontraient le mot diable dans un livre, répétaient et le prononçaient de cette façon singulière : d. i. di. a. dia. b. l. e. ble., démon. De là le dicton. On ne sait si le fait imputé aux religieuses de Dinan est bien avéré, mais ce fait n’en est pas moins l’expression et la conséquence d’un préjugé consacré par les habitudes superstitieuses du moyen âge, où l’on craignait d’évoquer le diable en le nommant.
Ce qui, pour le dire en passant, l’avait fait désigner par une foule d’appellations, telles que le malfé ou maufé (malfait), le tentateur, le malin, l’ennemi, le frère des serpents, celui qui n’a pas de blanc dans l’œil, etc. Cette crainte, qui existait encore au XVIIe siècle, s’étendait alors, comme avant, aux noms des fléaux, et nous en avons une preuve bien frappante dans l’admirable apologue où la Fontaine ne nomme qu’après trois vers de préparation : La peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom).
Eusèbe Salverte a remarqué le premier que c’est à l’effroi avec lequel on évitait de prononcer les vocables de mauvais augure, que fait allusion cette parenthèse qui paraît, dit-il, si peu intelligible et si peu saillante aujourd’hui. Mais il a tort de prétendre qu’une telle parenthèse soit devenue peu saillante. Bien qu’on en ignore le vrai motif, elle a quelque chose de très frappant après les trois vers qui la préparent et qui caractérisent avec tant d’énergie un mal qui répand la terreur.
Ajoutons que si le vrai motif était connu des lecteurs, l’effet littéraire perdrait pour eux beaucoup de son prix en cessant d’agir sur leur imagination, qui, dans le cas contraire, doit être saisie d’une sorte de terreur mystérieuse, et se figurer sous des traits plus formidables la gravité d’un fléau que le poète tremble à nommer.
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