Allusion au malheur de ceux qui ont été pendus au gibet qu’ils avaient eux-mêmes élevé.
Dans l’antiquité, le gibet était fait du bois de certains arbres appelés malheureux, maudits par la religion et réputés stériles, tels que le peuplier, l’aune et l’orme. Infelices arbores, damnataeque religionis, quae nec seruntur nec ferunt fructum, quales populus, alnus, ulmus. (Pline, Histoire naturelle, lib. XXVI.) C’est probablement de là qu’est venue l’expression proverbiale.
On dit aussi : Plus malheureux que le bois dont on fait le gibet, ce que Pasquier a pris pour titre du chapitre 40 du livre VIII de ses Recherches, où il prétend que cette expression fait allusion au gibet de Montfaucon qui porta malheur à tous ceux qui le firent construire ou réparer.
En effet, remarque-t-il, Enguerrant de Marigny, premier auteur de ce gibet, y fut pendu ; un général des finances de Charles le Bel, Pierre Rémy, qui ordonna de le reconstruire, y fut attaché à son tour, sous le règne de Philippe de Valois ; « et de notre temps, ajoute-t-il, Jean Moulnier, lieutenant civil de Paris, ayant fait mettre la main pour le refaire, la fortune courut sur lui, sinon de la penderie, comme aux deux autres, pour le moins d’amende honorable, à laquelle il fut condamné. »
Cette tradition sur le gibet de Montfaucon rappelle celle des Romains sur le cheval Séien. C’était un superbe animal qu’une généalogie fabuleuse faisait descendre des chevaux de Diomède qui dévorèrent leur maître ; et l’on croyait que la destinée avait voulu qu’il eût une sorte de ressemblance avec ces chevaux, en attachant fatalement à sa possession la perte de son possesseur. Cnéius Séius, à qui il appartint d’abord, fut livré au bourreau par Marc-Antoine. Dolabella, qui en fit l’acquisition, périt bientôt après de mort violente. Deux autres acquéreurs, Cassius et Marc-Antoine, l’auteur du supplice du premier propriétaire, eurent une fin tragique. Enfin, un cinquième, Nigidius, se noya avec ce funeste cheval, en traversant la rivière de Marathon ; et le souvenir de tant de malheurs passa en proverbe.
On disait à Rome d’un homme poursuivi par une fatalité constante qui ne lui permettait de réussir en rien : Equum habet seianum ; il a le cheval séien ou le cheval de Séius.
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