On peut lire dans le Mercure de France : « M. de Voltaire, étant venu au spectacle le lundi 30 mars, fut fêté avec ivresse par une foule immense d’admirateurs qui se précipitaient sur son passage, et qui firent retentir la salle d’applaudissements infinis. Il fut couronné de lauriers dans le spectacle, et les comédiens en corps rendirent les honneurs de l’inauguration à sa statue, qui fut apportée sur le théâtre, et ornée de guirlandes. Madame Vestris lui récita les vers suivants, que la présence de ce grand homme avait inspirés à M. le marquis de Saint-Marc. »
Aux yeux de Paris enchanté, Reçois en ce jour un hommage Que confirmera d’âge en âge La sévère postérité. Non, lu n’as pas besoin d’attendre au noir rivage Pour jouir de l’honneur de l’immortalité. Voltaire, reçois la couronne Que l’on vient de te présenter ; II est beau de la mériter, Quand c’est la France qui la donne. |
Ce fut après ce pompeux couronnement, que Voltaire se plaignait d’être étouffé sous des roses. Sa mort arrivée deux mois après ne justifia que trop cette plainte ; aussi Linguet s’écriait-il alors : « Quelle fête, hélas ! De quels gémissements n’ont pas été suivis ces cris de joie ! Les lauriers apparents dont on couronnait l’illustre octogénaire, étaient bien plutôt les guirlandes qui le dévouaient à la mort. Sans cette indiscrétion forcenée, sans ce délire factice chez ses prétendus amis, dont il a été la dupe et la victime, il vivrait, et sa vie eût comblé nos souhaits.
« La seule fête digne de M. de Voltaire, c’était l’empressement du public à lire ses ouvrages ; c’était la réunion de toutes les voix en faveur de ceux où il développait les charmes du coloris le plus brillant dont jamais un écrivain ait eu le secret, sans qu’il en coûtât rien à la décence, sans exposer à rougir les fronts délicats, sans alarmer les consciences timorées ; espèce de fruits devenus rares dans sa vieillesse, malheureusement si féconde dans un autre genre. »
La Harpe avait une opinion, sur le triomphe de Voltaire, entièrement opposée à celle de Linguet.
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