La lecture de l’ouvrage de Roland Moreau est très révélatrice à ce sujet : l’apparence coquette et chatoyante d’Espelette ne saurait (historiquement) faire illusion.
Certes, une « agréable variété » caractérise ce village : du Latsa, ruisseau « grossi de plusieurs autres », qui « sillonne » la localité, au château imposant dressé sur une éminence, en passant par l’église qui possède l’un des plus beaux portails du pays, « vaste vaisseau de style labourdin », les maisons blanches et fleuries, aux boiseries de couleur, ou divers attraits locaux, comme le piment qui anime le hachoa et la pipérade et les pottoks en liberté dans la montagne. Mais l’histoire que retrace ici l’auteur ne ressemble qu’en partie (coutumes locales, pelote basque associée au sentiment religieux) à cette convivialité patrimoniale. Les origines d’Espelette, prestigieuses et guerrières, se confondent, en effet, avec celles de la famille d’Ezpeleta - dont le premier seigneur fut don Aznar (cité en 1059) - associée, dès cette époque, aux plus puissants barons de Navarre. Les seigneurs d’Ezpelata possédaient un palais à Pampelune et des biens dans la vicomté de Labourd, défendus par le château d’Espelette, érigé à cette fin précisément. Il leur fallait préserver des intérêts substantiels de chaque côté de la frontière : et Jean Ier d’Espelette (XIIe siècle), Alphonse d’Elpezeta (XIIe et XIIIe) (qui eut dans sa descendance lointaine Ignace de Loyola), Garcie Arnault II (XIVe siècle) se firent les champions d’une « politique de bascule » avec l’Angleterre, puis avec la Couronne de France à partir de 1450.
Ils témoignèrent de la même rudesse cupide et guerrière à l’égard des Ezpelatars avec lesquels ils eurent de fréquents litiges : en particulier lorsqu’ils voulurent faire de la seigneurie d’Espelette un État à part dans la collectivité (libertaire) du Labourd ; les crises se multiplièrent au XVIe et au XVIIe siècles, au point que le château fut détruit par les villageois en 1637, après l’occupation espagnole et que Louis de Froidour écrivit à leur propos : « Ils ont tous des fusils et des poignards. Le roi les a soufferts dans cet état tant pour les tenir en état en cas de besoin qu’à cause de la difficulté qu’il y aurait à leur faire perdre cette habitude. » Bousculés dans leur sens profond...
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