La constatation des naissances, mariages et décès se constitua graduellement dans les mœurs françaises bien avant d’être sanctionnée par la législation des ordonnances. On a trouvé à Villedieu (Loir-et-Cher) des actes de naissance tenus depuis 1479, à Châteaudun depuis 1474. Mais au XVIIe siècle encore, certains détails pour le moins... pittoresques s’y trouvaient parfois consignés.
L’ordonnance de François Ier, de 1539 — dite de Villers-Cotterets — sanctionna cet état de choses et confia définitivement aux curés des paroisses, à l’exclusion de tous officiers civils, la fonction de constater les naissances et les décès : « Sera fait le registre en forme de preuve de baptême, contenant l’heure et le temps de la nativité. »
Page de titre de l’ordonnance de Villers-Cotterêts |
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Malheureusement, la plupart des braves gens chargés de cette rédaction ne comprenaient pas toute l’importance, pour l’ordre public, des fonctions qui leur étaient confiées, et s’en acquittaient avec une négligence regrettable ; quelques-uns même se servaient de ces registres comme d’un mémorial personnel à leur usage, où ils inséraient tous les souvenirs qui étaient pour eux de quelque intérêt, tels que cadeaux reçus, invitations à dîner, naissances de leurs chiens ou de leurs chats, etc., et ils intercalaient ces curieuses et étranges inscriptions entre les actes de baptême, de mariage et de décès.
Les registres de l’église Saint-Paul, déposés aux archives de Paris, en offrent des preuves nombreuses ; on peut, entre autres, vérifier les articles suivants : le vicaire de cette paroisse écrivait : « ANNÉE 1643. — Chienne. — La nuit d’entre le jeudi 9 et le vendredi 10 janvier, il était la fête de saint Guillaume. Ma Bichonne fit des chiennes et un chien, Je donnai la plus petite et la plus belle à M. Hallard, et, le lendemain, je coupai les oreilles aux deux autres. »
« ÉTRENNES DE L’AN 1648. — Le dernier jour de l’année 1647, Mlle Foret me donna deux bouteilles de vin et un gros morceau de pâté. De plus, je reçus de Mme de Montplaisir deux quarts d’écu ; de Mme de Carrol, une langue de bœuf ; de M. de Lamars, deux bouteilles de vin et un oiseau de rivière, avec deux petits fromages du pays ; de M. de Boissy, une bonne grosse carpe, le jour de la fête de saint Gervais, qui échut le vendredi ; de Mme Corneille, belle-mère de M.&nbs;de Lamars, un petit pain de sucre et une boite d’écorce de citron. »
« 1650. — Fin du misérable mois d’octobre, qui ne cessa de pleuvoir, tellement que ceux qui vivront boiront du verjus, et que M. de Saint-Paul, notre bon curé, n’en sera pas plus exempt. »
Si ces articles paraissent un peu étrangers aux actes de l’état civil, parmi lesquels ils sont insérés, il faut songer que ces mêmes actes fourmillent d’innombrables omissions, et ce qu’il y a de trop, quant aux naissances des chiens et des chats, tient lieu de ce qui manque aux extraits de baptême des enfants, ce qui fait compensation.
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